Les marqueurs de gauche

Publié le par congresutile30

Contribution de Jean Louis Bianco, Député, Président du Conseil Général des Alpes de Haute Provence et Nicolas Cadène (PS du Gard)

CONVAINCRE SUR NOS CONVICTIONS
Le combat de la gauche doit être autant de « convaincre » que de « défendre ». Nos convictions et nos valeurs doivent être affichées, expliquées et revendiquées. Quelque soit le sujet, le socialisme doit être ferme sur ses principes et ne jamais oublier ses fins : le progrès pour tous et le respect pour chacun. Mais attention, faute de prendre en compte le réel, les idées se transforment en dogmes. Ne confondons pas, comme le disait François Mitterrand, la conviction avec le sectarisme. Nos propositions doivent donc aussi être concrètes et tangibles pour nos concitoyens, leurs quotidiens. Au final, nous devons simplement nous souvenir de notre devise : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Nous n'en parlons plus et pourtant tout est là : Liberté d'être soi, de conscience (ce qui nous amène à un soutien inconditionnel à la laïcité : l’État garantit le droit d’exprimer ses convictions, est parfaitement neutre face aux religions et garantit une séparation stricte entre lui et celles-ci), liberté de s'accomplir, de faire ses choix, de prendre des risques, d’oser ; Égalité de tous devant les droits et les devoirs (l’éducation, la justice, la police, la santé, etc.) ; Fraternité les uns vis-à-vis des autres pour préserver et nourrir toujours ce cadre qu'il s'agit de promouvoir et de construire.

1. PROMOUVOIR LA CULTURE ET SON ÉGAL ACCÈS POUR TOUS
Nous avons trop souvent oublié la culture qui est pourtant à la base de tout. Le premier de nos marqueurs est sans doute la lutte pour un accès égal de tous à la culture, tant le savoir est l'outil nécessaire à l'émancipation de chacun et à la maîtrise de son destin. La gauche a le devoir de ne pas laisser la droite effectuer un « déclassement intellectuel » de la population, inacceptable et dangereux pour la démocratie. Alors que la droite nous dit « que le meilleur gagne », nous disons « chacun porte en lui un potentiel qu'il importe de découvrir et de développer, tout le monde mérite, comme un droit inaliénable, l'accès aux instruments de la liberté ».

DEUX EXEMPLES :
- Numérique : Introduire dans le droit français la notion de « standards ouverts », garants de l’interopérabilité, et au delà, de l’innovation et de la concurrence dans l’économie numérique ; s’opposer au renforcement des mécanismes restrictifs et répressifs d'exécution des droits de propriété dans la sphère intellectuelle ; promouvoir une conception ouverte du droit d’auteur, en défendant les exceptions au droit exclusif à des fins d’enseignement et de recherche, pour les bibliothèques et pour les personnes handicapées.
- Éducation : Promouvoir l’apprentissage du français, de la lecture, du décryptage de l’audiovisuel et d’Internet, afin de garantir la maîtrise des vocabulaires pour donner à chacun les chances d’exprimer ses idées et de comprendre le monde en s’y intégrant.

2. LUTTER CONTRE LES INÉGALITÉS, TOUTES LES INÉGALITÉS
Le combat contre les injustices et les inégalités doit demeurer plus que jamais l’objectif numéro un de la gauche. Toutes les inégalités : les revenus, le patrimoine, l’accès à la santé, à l’éducation, à la culture, etc. À toutes les étapes de la vie et pas seulement au départ : problématique de « l’orientation » poubelle, crédit de formation tout au long de la vie d’autant plus important que les activités ont été plus courtes. Les inégalités produisent et renforcent les inégalités. L’égalité des chances est une notion discutable. Il ne suffit pas non plus de constater les inégalités créées par le marché et de chercher à les compenser au moyen d’allocations diverses : il faut les attaquer à la racine, là où elles se forment, dès l’enfance, au travail, dans le tissu urbain et social.

DEUX EXEMPLES :
- S’attaquer à l’échec scolaire à la racine en mettant en place un service public de la petite enfance et la scolarisation obligatoire dès 3 ans, en assurant la maîtrise de la langue parlée à la maternelle (ancienne proposition n°23 du Pacte présidentiel).
- Faire respecter l’égalité hommes-femmes, notamment au travail, en élaborant une charte d’accès et l’égalité de traitement, ouverte à l’adhésion des entreprises et des services publics ; en engageant l’État dans la promotion égale des femmes et des hommes pour les emplois à responsabilité (ancienne proposition n°85 du Pacte présidentiel).

3. GARANTIR UNE JUSTE RÉPARTITION DES RICHESSES
La valeur du travail doit toujours primer sur la valeur du capital. Cela doit être traduit dans la fiscalité. En vingt ans, l’organisation planétaire de la production et des échanges, la répartition des richesses et celle de la puissance ont profondément changé. Ce que nous combattons, c’est la soumission de la société et de l’économie à la seule logique financière et spéculative, c’est la concentration des richesses entre les mains d'une minorité, c’est l’évasion fiscale, c'est la dictature du profit et du court terme.

DEUX EXEMPLES :
- Donner la priorité à l’investissement des entreprises avec un taux d’impôt sur les sociétés plus bas si le bénéfice est réinvesti et plus haut s’il est distribué aux actionnaires (ancienne proposition n°4 du Pacte présidentiel).
- Réviser la directive européenne de 2005 en demandant l'obligation pour les paradis fiscaux de divulguer l'identité des détenteurs de comptes bancaires chez eux (proposition soutenue par l’Allemagne).

4. PROMOUVOIR L'INTERNATIONALISME
Nous devons convaincre l’ensemble de la population de l’intérêt de s’ouvrir sur le monde et de ne pas « s’enfermer » à l’intérieur de nos frontières. Nous sommes avant tout des citoyens du Monde. L'internationalisme suppose la solidarité internationale et l'opposition au nationalisme, en redevenant les défenseurs des intérêts qui sont communs aux êtres humains partout dans le monde. Nous devons ainsi privilégier les actions de solidarité internationale en faisant du codéveloppement l’un des axes majeurs du projet socialiste pour le 21ème siècle, tout particulièrement envers les pays qui connaissent immigration, criminalité et terrorisme. L’Europe doit être le cadre privilégié de la promotion des valeurs humaines, pour une riposte stratégique aux défis posés par le nouveau capitalisme financier. L’Union européenne peut être et doit être à la fois la meilleure forme de protection possible pour nos valeurs et en même temps le vecteur de leur diffusion à l’échelon mondial. Une Europe puissance, usant notamment d'une politique économique commune et offensive (juste pendant d'une Banque Centrale indépendante) pourrait agir en faveur d'une mondialisation plus équitable.

DEUX EXEMPLES :
- Introduire à l’OMC une hiérarchie des normes qui équilibre les mesures de nature commerciale par le respect des normes sociales et environnementales ; réformer profondément le FMI et la Banque mondiale pour en faire des instruments au service du développement humain.
- Mettre en place avec l’Union une taxe sur les flux financiers de type Tobin (ancienne proposition n°95 du Pacte présidentiel).

5. PROMOUVOIR LA SOLIDARITÉ
La « solidarité », c’est le sentiment communautaire découlant de la prise de conscience de notre interdépendance. Nous devons promouvoir des valeurs de coopération dès l’école. Cette morale constitue un comportement citoyen qui doit être enseigné dès le primaire par une éducation citoyenne et pas seulement une instruction civique. Cela implique la valorisation de l’économie sociale et solidaire, du mouvement coopératif et du non-marchand. Nous devons nous intéresser aussi à l’impact d’une société de consommation, qui pousse les gens à désirer ce dont ils n’ont pas besoin, et vise de plus en plus les enfants.

DEUX EXEMPLES :
- Réconcilier recherche du profit et intérêt général en soutenant le développement de l’économie sociale et solidaire (elle représente 10% du PIB et des emplois en France) garantissant, suivant des règles précises, la participation des salariés ou des usagers aux décisions concernant l’activité.
- Instaurer un service civique pour les jeunes.

6. PROMOUVOIR LA DURABILITÉ ET L'ÉCOLOGIE
Nous voulons faire de la « durabilité » l’objectif du combat socialiste pour le siècle, au niveau environnemental, énergétique, du développement, de la santé et de l’alimentation. Cela signifie un commerce international mieux régulé : conditionnalité environnementale ; conditionnalité sociale ; conditionnalité anti corruption ; etc. Nous pensons que tout nouvel accord multinational doit intégrer plus largement les conditions d’une durabilité du développement commercial faute de quoi les tensions protectionnistes renaîtront sur les bases nationales. La durabilité conditionne le respect de notre environnement, de la faune et de la flore et donc, in fine, d'autrui et de la vie en général tant la terre ne nous appartient pas.

DEUX EXEMPLES :
- Investir massivement dans l’innovation et la recherche en augmentant de 10% par an sur 5 ans le budget de la recherche et des crédits publics pour l’innovation (le budget public de recherche-développement a diminué de 1 à 0,8% du PIB entre 2002 et 2005). Sur les 65 milliards d'aide aux entreprises, seuls 5% sont orientés vers la recherche-développement : porter cette part à 15%.
- Anticiper l’épuisement du pétrole en soutenant massivement les énergies renouvelables pour atteindre 20% de la consommation en 2020, ce qui permettra de créer de très nombreux emplois et de réduire la part du nucléaire (ancienne proposition n°60 du Pacte présidentiel).

7. PROMOUVOIR LA MORALITÉ DE L'ACTION PUBLIQUE
Nous considérons essentielle la moralité de l'action publique. Le pouvoir ne peut admettre le moindre lien contraignant à une puissance d’argent, un lobby, un groupe d’intérêt. Il ne doit répondre à aucun intérêt particulier contraire à l'intérêt général et au service du peuple. Nous refusons le mouvement actuel, pernicieux, qui tend à rendre obsolètes nos anciennes avancées démocratiques et morales. Nous soutenons l'existence constante d'un débat politique clair nous accompagnant sur le chemin du progrès démocratique. Au-delà d'une éthique politique, cela suppose aussi des médias libres et indépendants de tout autre pouvoir, politique ou financier.

DEUX EXEMPLES :
- Garantir enfin (notamment par la loi) l’indépendance des médias et leur pluralisme.
- Appréhender un décloisonnement entre l’Etat, les Institutions européennes et internationales, et la société civile (notamment par des processus innovants de démocratie participative) pour améliorer la pertinence de l’action publique ; accroître la diffusion de la connaissance dans le domaine de l’éthique de l’action publique.

8 DÉFENDRE UNE JUSTICE EFFICACE ET RÉPUBLICAINE
La gauche doit toujours défendre une justice sereine. L’intérêt de tous les citoyens est engagé à ne jamais accepter, même sous prétexte de raison d’État, l’abandon des formes légales qui sont la garantie d’une application prudente de nos lois répressives. Le politique ne doit jamais user à des fins politiciennes, la peur et la sécurité. Aussi, nous refusons qu'en matière pénale, l'esprit inquisitorial domine nos lois. La Gauche doit toujours être à la pointe d'une volonté de modernisation de l'outil judiciaire dans son rapport aux citoyens.

DEUX EXEMPLES :
- Doubler le budget de la justice pour la rendre plus rapide et respectueuse des droits.
- Protéger les citoyens en assurant la présence d’un avocat dès la 1ère heure de garde à vue ; en encadrant strictement le recours à la détention provisoire dont la France use beaucoup plus largement que les autres pays européens ; en renforçant les alternatives à la prison préventive ; en assurant dans les prisons des conditions qui permettent la réinsertion du détenu ; en créant un organe puissant et indépendant de contrôle des prisons (proposition n°58 du Pacte présidentiel).

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